28 décembre 2018

Les gilets jaunes et les élections européennes

Les gilets jaunes doivent-ils présenter une liste aux élections européennes ? Voici le nouveau sujet à la mode pour animer la trêve des confiseurs. Le pouvoir en chute libre croit avoir trouvé là une planche de salut. Ainsi, les mêmes qui dénonçaient hier les tentatives de récupération politique du mouvement sautent sur l’occasion de l’instrumentaliser. Voici donc Richard Ferrand favorable à une telle liste. Quelques jours plus tôt, La République en Marche avait commandé un sondage à l’institut IPSOS (dont la rigueur scientifique n’avait rien à envier à « Paul le poulpe ») pour installer cette hypothèse. Une aubaine se disent les trop intelligents qui nous gouvernent : ajouter de la division dans les oppositions, c’est l’opportunité d’atténuer notre prochaine défaite !

Il appartiendra bien sûr aux citoyens mobilisés depuis près de deux mois de décider des formes que doit prendre leur action. Mais l’empressement avec lequel certains responsables politiques se jettent sur l’hypothèse devrait inciter à la prudence. Il démontre que le pouvoir ne reculera devant aucune bassesse. Il prouve aussi à quel point la caste politico-médiatique n’a rien compris à la nature des évènements et les analyse avec les lunettes d’hier. Les gilets jaunes ne sont pas un parti en attente d’une représentation électorale. Ils sont le peuple politique qui prend forme quand des individus aux parcours singuliers et pourtant si semblables prennent conscience de leurs intérêts communs et exigent le pouvoir sur leurs conditions de vie. Les revendications portées par le mouvement ne sont donc pas cosmétiques. Si elles explosent au grand jour aujourd’hui, elles travaillent notre société depuis des années. Elles y sont profondément ancrées. Croire qu’elles pourraient être canalisées en débauchant quelques porte-paroles sur une liste ou pire encore en en usurpant l’étiquette relève d’une vue de l’esprit.

Oh bien sûr, on trouvera sans doute quelques opportunistes pour s’accaparer un peu de lumière. Alexandre Jardin, l’homme qui squattait à l’été 2016 le meeting d’Emmanuel Macron, peut ainsi se présenter comme le fidèle et désintéressé aide de camp des gilets jaunes. Il sera pourtant difficile d’oublier que le mouvement s’inscrit en opposition totale à la politique de celui qu’il adorait hier. L’opportunisme est souvent l’ennemi juré de la cohérence.

Le mouvement des gilets jaunes n’est pas un moment conjoncturel. Il n’est pas une pétition à la mode dont on pourrait chercher à récupérer les signataires en corrompant l’initiateur. Il n’est pas un fichier que l’on peut acheter pour l’ajouter à sa propre base de données. Il s’inscrit dans une vague de fond dégagiste qui emporte tout sur son passage. Il est la nouvelle étape du moment destituant où toutes les structures collectives sont une à une confrontées à une crise de légitimité. C’est pourquoi il n’y aura pas de satisfaction des revendications dans le corset de la 5ème République et de l’Europe austéritaire. Encore moins dans une voie de garage électorale qui n’en contesterait pas les fondements. Seule une réponse dans laquelle le peuple se réapproprie ses espaces de souveraineté pourra réaliser les objectifs du mouvement : c’est le sens de la proposition d’une Assemblée Constituante pour une 6ème République. Son heure vient.

(Crédits photo : LP/S.B)

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