En juillet prochain aura lieu le prochain Congrès du Parti de Gauche. Il faut bien l’admettre, à l’heure d’Internet, de Skype ou de Facebook, le Congrès peut apparaitre comme une résurgence d’un autre temps. C’est l’objet politique d’une époque où les obstacles à la communication et le faible développement des réseaux de transports rendaient indispensable la convergence, dans un lieu commun, de délégations qui n’avaient le reste de l’année aucun échange. Aujourd’hui, avec l’instantanéité des communications, la puissance des médias, la réduction des distances, le Congrès traditionnel, avec ses procédures figées et rigides apparait comme un folklore un peu désuet. Il fait partie de ces stigmates de l’ancien monde, avec lesquels il faudra bien rompre un jour où l’autre.
Pourtant, cet évènement sera, espérons-le, un temps important pour la vie politique de notre pays. Car le Parti de Gauche, malgré sa jeunesse, son effectif limité ou ses faiblesses d’organisation, a un rôle à jouer, avec d’autres bien sûr, pour changer le cours des évènements. A deux ans de l’élection présidentielle, et face à l’état catastrophique du pays, il doit se doter d’une orientation stratégique à même d’aider à la reprise du pouvoir par le peuple. Il doit aider à faire émerger des solutions nouvelles face à l’archaïsme des politiques menées par une caste qui confisque, opprime, saccage et brutalise. Il doit être à la hauteur du moment.
Si le Congrès est un temps interne, il ne peut donc pas être un temps de repli sur soi, mais au contraire un grand moment d’ouverture. Car si l’ambition de peser sur le cours des évènements est le moteur de notre action, elle devient de l’arrogance si elle conduit à penser que la solution toute faite sortira du rendez-vous exclusif des valeureux pégistes de tout le pays. S’individualisant dans les débats, elle deviendrait paralysante car si la place d’une virgule peut modifier la perception d’une phrase, elle ne changera sans aucun doute pas la face du monde. Parce que si les convictions personnelles permettent de faire progresser la réflexion commune, on est toujours plus intelligent à plusieurs, dans l’écoute et dans la construction collective.
Notre rendez-vous doit donc être un fourmillement ouvert. Il doit bien sûr respecter des temps de délibération interne, mais surtout s’irriguer des expériences, des réflexions et des initiatives qui fleurissent partout dans le pays. Il doit s’inspirer des résultats des dernières élections départementales et des démarches novatrices qui y ont vu le jour. Il doit se nourrir des évènements internationaux qui, sur les bords de la mer Egée ou de l’autre côté des Pyrénées, nous donnent de formidables encouragements.
Il doit être un temps au service de l’intelligence collective, s’appuyant sur les formes de débats issues des travaux de l’éducation populaire, largement développés dans les expérimentations citoyennes. Les inimitiés ou ressentis personnels qui ont nécessairement éclatés avec un sentiment d’impuissance face à la trajectoire des évènements doivent être laissés au vestiaire. Les blessures, les fatigues de la vie, les épuisements militants face à la difficulté à « fatiguer le doute du peuple » doivent y trouver une source d’énergie pour repartir plus forts et retrouver la « persévérance de notre dévouement ». C’est, je crois, le sens de ce congrès.
C’est en tout cas ces idées qui ont irrigué les travaux du Bureau National. Ils se sont déroulés avec une organisation inédite des discussions, notamment sur la proposition de notre camarade Tifen Ducharne. Après une présentation succincte des démarches d’éducation populaire politique, les participants ont été invités à poser sur post-it les réflexions du moment. De ce tableau des interrogations, croisées avec les contributions émanant de tout le parti, ont été ensuite extraits les points chauds autour desquels se nouaient des contradictions et des désaccords. La suite de la discussion, en atelier de 5 à 10 personnes a permis d’aller au fond des débats et de distinguer les incompréhensions des réelles divergences. Un groupe de rédactrices et de rédacteurs a ensuite proposé une première ébauche de résolution politique, qui a été à nouveau discutée et précisée lors de la seconde rencontre du Bureau National. L’objectif n’était non pas de trancher l’ensemble des questions, mais de proposer un document permettant d’organiser au mieux le débat dans l’ensemble du parti.
Bien sûr, ce document n’est pas parfait. Il n’a malheureusement pas permis de rassembler l’ensemble des membres du Bureau National. Il souffre, sans aucun doute, d’une écriture à plusieurs mains, qui nuit à sa lisibilité. Il est encore prudent là où, l’effondrement du système nécessiterait sans doute des réponses plus ambitieuses. Il reste, sur la forme, un texte politique trop traditionnel pour être un outil en dehors du parti, au service d’un peuple en recherche d’issue face à la marche folle du vieux monde. Il devra encore être enrichi, précisé, modifié, des retours des comités comme, ce week-end, d’éléments portés par d’autres plateformes.
Néanmoins, il est, selon moi, une base de travail très intéressante pour la réflexion collective. Les débats essentiels du moment y sont posés. C’est la place centrale de l’impasse écologique dans un projet anticapitaliste aujourd’hui. C’est l’analyse du peuple comme acteur politique dès lors que celui-ci prend conscience, dans l’exigence de sa souveraineté, de ses intérêts communs. C’est le refus des cartels politiques froids, et la recherche, dans tous les cadres que suscite le parti, de l’implication citoyenne la plus large possible, seule à même de permettre l’émergence de cette conscience commune. C’est la réaffirmation et la réorganisation du parti d’action, déployé sur tout le territoire, pour mettre en permanence son énergie au déclenchement de dynamiques plus larges et refuser le repli sur soi. C’est surtout l’ambition affirmée de renouer avec une forme d’insouciance qui a conduit au succès de la campagne présidentielle de 2012. C’est la volonté affichée de reprendre notre marche en avant, interrompue par les échecs électoraux de l’année 2014 et le coup fatal porté à la dynamique du Front de Gauche lors des dernières élections municipales.
C’est l’arrogance de croire, en ces temps obscurs, en un autre avenir. Parce que sur l’imposante et terrifiante montagne gelée qui s’avance, une brèche est là, masquée dans l’ombre. Le passage est étroit. Il se rétrécit à mesure que se déroulent les évènements, à mesure que progressent la haine et le repli sur soi. Mais elle est toujours là, cette brèche, là-haut sur les rochers. Elles sont toujours là, les ressources du pays, au pied de la montagne enneigée. Elles cherchent comment s’organiser, se regrouper, additionner leurs énergies. Militants parmi d’autres, nous ne détenons pas la solution. Nous la construirons au contact de ces milliers de citoyens qui ne se résignent pas. Nous apporterons, avec d’autres, notre appui, nos expériences, nos savoirs-faire, et nous nous enrichirons des leurs. Nous reconstituerons ensemble la carte de la montagne, identifierons les passages pour venir à bout des difficultés. Nous mettrons en commun nos piolets, nos bâtons, nos cordes ou nos crampons. Alors nous nous lancerons à l’assaut, milliers de cordées sur les flancs de la montagne. Et nous trouverons le chemin. Parce que « rien ne résiste à un acharnement de fourmi ».
La brèche de Roland, version grandiose :
Merci pour cette magnifique photo.
Pour la réalité de la muraille politique, je crains qu’il ne faille mettre en œuvre le savoir faire d’artilleurs très experts pour y ouvrir un passage.
Les envolées lyriques peuvent un peu conforter les spectateurs, c’est sûr.