Lors de ses voeux, Emmanuel Macron a donc confirmé sa volonté de reporter l’âge de départ à la retraite dès cette année. Sauf nouveau report, la réforme devrait être présentée par Élisabeth Borne le 10 janvier prochain et déposée à l’Assemblée Nationale à la fin du mois.
Pour se donner une légitimité, il se revendique d’un mandat que lui aurait confié le peuple pour faire cette réforme puisqu’elle figurait dans son programme présidentiel. C’est un détournement total du sens de son élection. Rappelons que selon les études publiées après le vote, 42% de ses électeurs de second tour disent avoir voté pour lui pour battre Marine Le Pen. Si on y ajoute l’abstention et les votes blancs et nuls, c’est à peine 20% des français qui revendiquent un vote d’adhésion au programme d’Emmanuel Macron. On est bien loin d’un soutien populaire à cette réforme. D’ailleurs, tous les sondages réalisés indiquent que plus de 70% des français y sont opposés. Et l’ensemble des syndicats de salariés y sont également hostiles. L’opposition du peuple ne peut pas être plus claire !
Le gouvernement tente également de justifier sa réforme pour des raisons économiques. Le Conseil d’Orientation des Retraites, dans son rapport publié en septembre 2022, indique pourtant que « ses résultats ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non controlée des dépenses de retraite ». Et si le COR évoque l’hypothèse d’un déficit à moyen terme, il prévoit également que le système redevienne ensuite excédentaire. Disons également que le rapport du COR publié en 2019 prévoyait en 2022 un déficit de 10 milliards. Le système y a finalement été excédentaire de plus de 3 milliards. Il n’y a donc aucune nécessité économique à cette réforme. Emmanuel Macron le disait lui-même en 2017. Il déclarait à l’époque que « le problème des retraites n’est plus un problème financier » alors que les prévisions du COR étaient plus pessimistes qu’aujourd’hui (25 milliards de déficit prévus à l’époque en 2027 contre 10 milliards prévus désormais à cette échéance).
En vérité, si le pouvoir veut mettre un nouveau coup de rabot dans les retraites, c’est pour permettre le financement de ses nouveaux cadeaux aux grandes entreprises sans aucune contrepartie. Ainsi, le projet de loi de finances 2023 précise que « les administrations de sécurité sociale participeront à la maîtrise de l’évolution des dépenses, permise notamment par la réforme des retraites » et que « cette maîtrise de la dépense permettra la suppression de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) sur deux ans. ». Bruno Le Maire faisait lui-même le lien sur France Inter lorsqu’il indiquait que « si le MEDEF veut véritablement que nous réduisions les déficits et la dette, qu’il soutienne la réforme des retraites avec enthousiasme, avec détermination ». C’est donc bien un nouveau transfert de richesses des poches du peuple vers celles des grandes entreprises (qui capteront l’essentiel de la suppression de la CVAE) qui est à l’ordre du jour de cette réforme.
Fidèle à leurs habitudes, les macronistes tentent de faire passer une énorme régression pour un progrès social. Ainsi, avec la complicité du monde médiatique, il insiste sur l’immense progrès que représenterait l’instauration d’une retraite minimum à 1200 euros. Vaste enfumage. Au moins 70% des retraités qui ont une pension inférieure à ce montant aujourd’hui n’ont pas de carrière complète. Pire encore, cette mesure, qui a été inscrite dans la loi en 2008 mais n’a pas été appliqué depuis, ne s’appliquerait qu’aux futurs retraités et pas aux retraités actuels. Tous ceux qui pensaient pouvoir y gagner dans l’immédiat peuvent ranger leur enthousiasme au placard.
Au contraire, les effets d’une telle réforme seraient délétères. La durée de la retraite serait réduite : avec les réformes précédentes, les générations nées après 1960 auront déjà une retraite d’un an plus courte que la génération née en 1950. Mais avec cette réforme, la génération née en 1970 perdrait carrément 2,5 années à la retraite par rapport à la génération née en 1950. Même les personnes nées en 2000 auraient une retraite plus courte que ceux nés en 1950. Est-ce vraiment le sens du progrès social ?
Le chômage augmenterait : selon l’OFCE, le passage à 64 ans ferait augmenter le chômage de 0,9 point en 10 ans, soit presque 300 000 chômeurs de plus. Elle aurait donc également un impact à la baisse sur les salaires. Selon le même organisme, le report à 64 ans ferait baisser les salaires de 3% et le pouvoir d’achat d’1,3% sur 10 ans. Et contrairement à ce que dit Élisabeth Borne, une telle réforme ne permettrait pas de maintenir les séniors dans l’entreprises. Il suffit de voir l’impact du report de l’âge de départ à la retraite à 62 ans. Suite à cette décision, la baisse du taux de retraités chez les ouvriers entre 60 et 61 ans s’est faite pour deux tiers par le chômage ou par l’inactivité.
Face à la volonté du gouvernement d’aller vite et de n’écouter personne, il est indispensable de tout faire pour empêcher l’adoption de ce projet. Bien évidemment, nous le ferons à l’Assemblée Nationale avec les députés de la NUPES. Mais pour gagner, la bataille parlementaire ne sera pas suffisante. Il faut convaincre largement dans l’opinion et construire les conditions d’une mobilisation massive du peuple. Près de 20% de la population se dit prête à participer à un mouvement social pour sauver nos retraites. Notre objectif doit être de les mettre en mouvement.
La France Insoumise s’est déjà largement déployée autour de ces objectifs en organisant des premiers meetings contre la vie chère et la réforme des retraites en décembre. D’autres sont déjà prévus en janvier, ainsi qu’une campagne de cafés populaires pour décrypter la réforme quand l’ensemble des détails en seront connus. Mais il était décisif que la NUPES s’engage comme force populaire et unie dans cette bataille. C’est désormais chose faite avec la publication du communiqué du jour. Nous initions l’organisation de meetings communs partout en France, à commencer par un premier meeting le 17 janvier à Paris. Nous proposons à tous les militants de la NUPES de constituer des collectifs locaux dans les communes et dans les circonscriptions et de prendre des initiatives ensemble. Nous préparons un matériel commun pour permettre une campagne sous les couleurs de la NUPES. C’est un signal très positif pour la bataille.
Cela l’est d’autant plus que les propositions de la France Insoumise de prendre des initiatives communes, de généraliser les assemblées populaires de la NUPES à l’échelle locale, de réunir le parlement de la NUPES ou de produire du matériel commun s’étaient heurtées depuis le mois de juillet à des blocages de la part de certains de nos partenaires. La bataille des retraites devrait donc permettre à la NUPES de franchir une nouvelle étape de son déploiement. C’est essentiel : il était indispensable de compléter la bonne entente de l’intergroupe à l’Assemblée Nationale par une capacité d’action commune dans la société. C’est donc une très bonne nouvelle. N’en déplaise aux cassandres qui veulent affaiblir cette construction inédite et indispensable.
Un autre paramètre décisif est que le front intersyndical s’avance très large et rassemblé dans cette bataille. Ainsi, l’intersyndicale qui s’est déjà réunie à plusieurs reprises rassemble l’ensemble des organisations syndicales de salariés. Toutes s’opposent au report de l’âge de départ à la retraite, que ce soit à 64 ou à 65 ans. Toutes ont dit, ensemble, qu’elles prendraient des initiatives fortes de mobilisation si le gouvernement s’entête sur la voie de cette réforme. Celles-ci pourraient être annoncées immédiatement après la présentation du projet. Bien évidemment, dès lors que ce sera fait, nous y participerons pleinement avec l’objectif de faire reculer le gouvernement.
Mais d’ores et déjà, une première date de mobilisation a été mise sur la table le samedi 21 janvier prochain à Paris à l’initiative des organisations de jeunesse. Nous l’appuyons de toutes nos forces. Des bus sont mis à disposition pour pouvoir y participer depuis toute la France. Les militants de la France insoumise, comme des différentes formations politiques, syndicats ou associations qui y participent, sont d’ores et déjà en campagne partout en France pour mobiliser largement autour de cette initiative. Ce sera sans doute une première étape de la mobilisation. Et une première occasion de construire un rapport de force avec le gouvernement. Alors, préparez-vous et mobilisez-vous. Une grande bataille commence !