Précarité énergétique : sauver des vies avec l’écologie populaire

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Précarité énergétique : sauver des vies avec l’écologie populaire

feu gazinière

Le 10 novembre dernier était la première journée nationale contre la précarité énergétique. C’est un fléau non seulement pour les personnes qui en souffrent (inconfort du froid permanent, difficultés financières, problèmes de santé qui peuvent aller jusqu’au décès), mais aussi pour le climat, avec une surconsommation d’énergie et des émissions inutiles de gaz à effet de serre (GES). Voyons comment son éradication peut éviter le gaspillage d’argent, d’énergie, de GES et épargner de graves problèmes de santé.

La précarité énergétique, c’est ne pas pouvoir bien se chauffer ou payer ses factures d’énergie. Cela concernait 12 millions de Français en 2020 (18 %) et a explosé en 2021 (25%), suite à la crise sanitaire, qui a mis de nombreuses personnes en difficulté, et suite à l’augmentation des prix des énergies. Cette incapacité peut se traduire parfois par des coupures d’électricité ou de gaz, faute de pouvoir payer les factures, ou encore par un choix forcé de moins se chauffer.

C’est un cercle vicieux de la pauvreté : ce sont les plus pauvres les plus concernés puisqu’ils n’ont pas les moyens d’avoir un logement décent et économe en énergie… Et payent donc des factures trop élevées, ce qui les appauvrit encore plus.

En plus de l’inconfort, la précarité énergétique nuit gravement la santé : l’exposition continue au froid et à l’humidité augmente les risques de maladies chroniques, cardiovasculaires et respiratoires. D’après une étude publiée le 4 juin 2021 par le Commissariat général au développement durable (qui est une direction du ministère de la Transition écologique : « Projet de loi climat et résilience : évaluation de l’obligation de rénovation des logements indécents du parc locatif privé »)[2] , la rénovation des logements du parc locatif les plus énergivores (classes E, F et G) permettrait d’éviter 10 000 décès par an.

A noter que l’inconfort et les problèmes de santé ne surviennent pas que l’hiver mais aussi l’été : les logements qui se chauffent le moins bien sont souvent ceux qui se rafraîchissent le moins bien. De nombreux foyers souffrent donc de la chaleur l’été (et cela ne va faire qu’augmenter avec le réchauffement climatique), ce qui peut également avoir un impact sur la santé (on peut par exemple penser aux personnes fragiles pendant les canicules).

C’est aussi une consommation inutile d’énergie et donc des émissions de gaz à effet de serre évitables. En effet, le secteur du bâtiment représente 44 % de l’énergie (finale) consommée en France, et 26 % des émissions de GES. Quel gaspillage quand on sait que plus de la moitié de cette énergie et de ces GES peuvent être évités avec des logements bien conçus ! Cela en fait un secteur absolument essentiel pour lutter contre le réchauffement climatique et atteindre nos objectifs climatiques (-65 % d’émissions en 2030 et neutralité en 2050). Le parc immobilier actuel consomme trop et utilise trop d’énergies carbonées (encore de nombreux systèmes de chauffage au fioul ou au gaz). Les radiateurs électriques de type « effet Joule » ou « grille-pain » consomment beaucoup trop et donc pèsent sur la facture d’électricité. Leur abandon permettrait de réduire la facture mais aussi de diminuer notre consommation d’électricité, levier pour atteindre un mix électrique 100 % renouvelable.

Première cause de précarité énergétique : les passoires thermiques. On en dénombre 5 millions en France. Ce sont des logements souvent anciens ou mal conçus qui demandent une quantité d’énergie très exagérée pour être chauffés (classes énergétiques F et G). Ce problème peut venir soit d’une mauvaise isolation thermique qui laisse échapper la chaleur, soit de systèmes de chauffage peu efficaces qui consomment trop, soit (souvent) des deux. Ces défauts peuvent également s’accompagner d’une mauvaise ventilation qui causera des problèmes respiratoires.

Il faut donc rénover massivement nos logements en triplant le rythme des rénovations complètes et ambitieuses, avec des aides financières et un service public gratuit d’accompagnement. Le rythme de rénovation actuel de 1 % est bien trop faible : ainsi, il nous faudra 100 ans pour rénover l’intégralité de notre parc immobilier, ce qui est évidemment incompatible avec l’objectif de neutralité climatique à atteindre en 2050. Comme nous le défendons depuis le début du mandat dans nos amendements au Parlement européen, il faut donc tripler ce taux pour atteindre 3 % de rénovation par an et rénover l’ensemble du parc en 30 ans, en commençant par les logements les plus énergivores (passoires thermiques de classes F et G, puis E…). Les rénovations doivent être complètes (le moins d’étapes possibles pour faire le plus d’économies le plus rapidement possible) et ambitieuses (niveau bâtiment basse consommation, c’est-à-dire classes énergétiques A et B). Une rénovation efficace permet de diviser par au moins trois la consommation d’énergie, et donc la facture d’autant.

Deuxième cause de précarité énergétique : les prix de l’énergie, dont l’explosion en 2021 met encore plus de personnes en difficulté. A court terme, il est nécessaire d’interdire la coupure d’électricité et de gaz et de limiter les réductions de puissance. A plus long terme, afin que l’énergie reste accessible à tous, il faut sortir des énergies fossiles et développer un mix énergétique 100 % renouvelable. Il faut également établir un pôle public de l’énergie pour éviter que les acteurs privés fassent du bénéfice sur ces produits essentiels à la vie. Et pour l’énergie qu’il sera tout de même nécessaire d’acheter, il faut instaurer la gratuité des quantités indispensables à la vie : premiers mètres cubes de gaz et premiers kilowattheures d’électricité ; puis une tarification progressive en fonction des usages (plus on consomme, plus le prix à l’unité est élevé).

Bref, la lutte contre la précarité énergétique peut améliorer la vie de millions de gens et limiter le changement climatique. Elle est au cœur du programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon, qui a rencontré des habitants de Bron le 10 novembre pour en parler.

On attend quoi pour agir ?