Cette semaine, nous votons sur la réforme du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (le FEAMPA). Doté de 6 milliards d’euros de subventions publiques européennes pour la période 2021-2027, il s’agit du principal instrument financier pour orienter la politique des pêches. Sa réforme est donc cruciale pour assurer la durabilité de nos mers et océans, des écosystèmes marins et de la pêche artisanale.
La mer est notre bien commun et un nouvel horizon pour l’humanité. La sauvegarde des mers et des océans est vitale : pour la régulation du climat, pour la préservation de la biodiversité, pour la pêche artisanale et pour tous ceux qui en dépendent pour leur alimentation. Les océans absorbent notamment 30% du CO2 produit par les activités humaines et contiennent près de 200 000 espèces identifiées (les chiffres réels pourraient se compter en millions). Plus de trois milliards de personnes dépendent de la biodiversité marine et côtière pour subvenir à leurs besoins alimentaires.
Aujourd’hui, nos océans sont gravement menacés, notamment par la surpêche et la surcapacité de pêche, qui épuisent les populations marines et constitue une source massive de déchets marins. En Méditerranée par exemple, 90% des stocks halieutiques évalués sont surpêchés. Dès 2010, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) alertait sur le fait qu’en l’absence de changement dans nos pratiques de pêches, nos océans seraient effectivement « vidés » de poissons à l’horizon 2050. A l’origine de ces menaces, on retrouve les subventions du FEAMPA qui favorisent des pratiques destructrices et insoutenables, au bénéfice des industriels de la pêche. Ces subventions nuisibles sont connues et bien identifiées depuis longtemps par les scientifiques. Ce sont notamment les subventions à la construction des navires (qui entretiennent la surcapacité de pêche), et les subventions à la modernisation des moteurs, en particulier pour les navires industriels de plus de 12 mètres.
Malheureusement, cette réforme du FEAMPA ne tient aucun compte de ces menaces. Le nouveau FEAMPA ne réserve ainsi aucun budget pour la protection des écosystèmes marins, maintient tous les types de subventions nuisibles existantes qui entretiennent la surcapacité de pêche et la surpêche, et pire, affaiblit encore les conditions assorties au versement des subventions nuisibles. Cette nouvelle programmation 2021-2027 s’annonce donc encore pire que la précédente, aussi bien pour les océans que pour la pêche artisanale. Elle constitue une véritable victoire pour les lobbys de la pêche industrielle.
Nous étions pourtant engagés, au niveau international, à travers les objectifs du développement durable des Nations unies (ODD), à éliminer d’ici 2020 les subventions qui contribuent à la surpêche (ODD 14.6). Notre inaction promet d’ailleurs d’avoir des conséquences globales, en encourageant d’autres pays à maintenir également leurs subventions contribuant à la surpêche. En effet, l’adoption des objectifs du développement durable en 2015, et notamment de l’ODD 14.6, avait permis de relancer les discussions au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les subventions à la pêche. Depuis 2017, les discussions sont enlisées à nouveau. Dans ce contexte, les décisions prises par l’UE ont une influence majeure sur l’issue des négociations à l’OMC. Par l’adoption de ce FEAMPA, l’UE envoie le signal que l’ODD 14.6 est pour elle caduque et que les subventions nocives qui contribuent à la surpêche sont acceptables.
Dans un parallèle saisissant avec la réforme de la Politique agricole commune (PAC), les ONG telles que Bloom avaient exigé de la Commission qu’elle retire sa proposition législative, s’appuyant sur les inquiétudes ouvertement exprimées sur le FEAMPA par la même Commission (tout comme dans le cas du vice-président Frans Timmermans à propos des négociations sur la PAC). Et comme pour la PAC, la Commission, responsable de l’ouverture de brèche par sa proposition médiocre, a fini par se coucher devant le texte adopté par le Conseil de l’UE et le Parlement européen. Un texte désastreux pour le futur de l’océan global par la surpêche dont il organise le maintien.
Nous avons résolument voté contre et continuerons de nous battre pour réinventer un système de pêche durable et artisanal cohérent avec l’urgence climatique et environnementale et nos engagements internationaux.