Ce jeudi soir, à l’invitation de membres du personnel, j’ai pu visiter le service des urgences de l’hôpital Purpan à Toulouse. Celui-ci était dans une situation très particulière puisque l’ensemble de l’équipe de jour était en arrêt maladie ce jour-là : les patients avaient donc été renvoyés sur un autre hôpital toulousain. Au même moment, à Toulouse comme partout en France, se déroulait une nouvelle journée de mobilisation nationale des personnels des urgences. La situation est en effet alarmante, ici comme ailleurs.
Le manque d’effectifs et de lits conduit à des difficultés immenses pour la prise en charge des patients qui viennent aux urgences. Les temps d’attente ne cessent d’augmenter, ce qui met les personnels d’accueil dans des situations insupportables et peut conduire à la montée des tensions avec des personnes impatientes. Les agressions sont désormais monnaie courante et la peur envahit le service.
Des artifices sont utilisés pour contourner le manque de structure d’accueil : les chambres individuelles sont remplacées par des chambres collectives où les conditions minimales de confidentialité, de tranquillité ou d’hygiène ne sont pas réunies. Des équipes de 4 personnes sont chargées du suivi de 12 patients, ce qui les empêchent de réagir convenablement face à des situations critiques. La mobilisation aux urgences de Purpan fait d’ailleurs suite au décès d’un patient en janvier dernier.
Les effectifs insuffisants conduisent les infirmières, les infirmiers et les aides soignantes à passer d’une spécialité à l’autre sans qu’ils aient forcément été formés pour cela. Les plannings sont désormais connus seulement quelques jours à l’avance et les personnels enchaînent des journées de travail avec un seul jour de pause au bout de 5 jours de travail.
Cette situation génère du stress, du malaise, voir des tentatives de suicides.
Les mécanismes de prise en charge des personnes en situation de burn-out sont inadaptés, soit parce qu’ils nécessitent de se déplacer dans un autre endroit de Toulouse, soit parce que la peur d’être identifié comme en situation de fragilité par la direction conduit à cacher son malaise et à tenir le plus longtemps possible. Jusqu’au drame. La souffrance est immense et les personnels sont formidables de dévouement et d’envie d’être utiles aux autres. Mais la coupe est pleine.
Le mouvement historique qui parcourt notre pays en est le reflet. Le plan présenté par la ministre de la Santé est malheureusement incapable d’y apporter des réponses satisfaisantes. Bien sûr, on peut toujours améliorer le chemin pour éviter d’engorger le système des urgences : c’est ce que défend la ministre en voulant prioriser des admissions directes sans passer par les urgences. Mais cela ne résout rien si ce chemin conduit toujours à des hôpitaux en manque criant de personnel ou de lits pour accueillir les patients. Quant à l’idée d’aiguiller les personnes vers la médecine de ville au détriment des urgences, elle est un vœu pieu puisque celle-ci est aujourd’hui insuffisante et puisque rien n’est fait pour lutter contre les déserts médicaux.
La réalité, c’est que l’hôpital public français est dans une situation de sous-financement chronique : nous y consacrons 3,6 % du PIB contre 4,1% en moyenne ailleurs en Europe d’après une note de France stratégie de janvier 2019. Cette même note nous dit d’ailleurs que « si on adjoint aux dépenses hospitalières celles liées aux cliniques privées, l’importance des dépenses publiques relatives aux établissements de soins situe cette fois la France au-dessus de la moyenne » (7,9% du PIB contre 6,9% en moyenne en Europe). En d’autres termes, il y a en France un transfert des fonds vers les cliniques privées aux dépens des hôpitaux publics. Il est temps de compenser cela en répondant effectivement aux revendications portées par les personnels en grève.