Le développement de l’hydrogène ne peut pas être un outil de greenwashing

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Le développement de l’hydrogène ne peut pas être un outil de greenwashing

Le 22 mars, la commission industrie, recherche et énergie (ITRE) du Parlement européen votait un rapport extrêmement important pour le futur industriel et énergétique du continent : la stratégie européenne pour l’hydrogène. La production d’hydrogène renouvelable et son utilisation raisonnée peuvent contribuer à la décarbonation de plusieurs secteurs. Mais ce n’est pas une baguette magique, il faut bien identifier les secteurs et les usages prioritaires en planifiant.

Je partage largement l’analyse faite par l’association négaWatt concernant les secteurs et usages qui devraient être priorisés dans le développement et le déploiement de l’hydrogène au niveau européen. L’hydrogène ne pourra jouer un véritable rôle que si sa propre production est issue d’énergies renouvelables par l’électrolyse de l’eau. Seul ce type de production d’hydrogène doit recevoir de l’argent public pour soutenir son développement.

Une fois cela dit, la priorité est d’abord de décarboner la production existante d’hydrogène, basée presque exclusivement sur le gaz naturel et le charbon, et responsable de 2,3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre !

  • Le deuxième usage prioritaire de l’hydrogène renouvelable est la décarbonation des secteurs industriels les plus émetteurs de GES et difficiles à décarboner, notamment la sidérurgie où existe un grand potentiel. La Suède ouvre la voie en la matière !
  • Enfin, dans les applications prioritaires de l’hydrogène renouvelable, il y a la contribution à la stabilité du réseau électrique. En effet, l’hydrogène permet de palier l’intermittence dans un mix 100% renouvelable comme proposé par négaWatt.

L’utilisation de l’hydrogène dans le secteur des transports doit être faite de manière raisonnée. Il faut le réserver à l’aérien, au maritime et au train quand l’électrification n’est pas possible. Mais surtout pas pour les camions et les voitures. De même, il n’y a aucun usage raisonnable de l’hydrogène dans le chauffage des bâtiments : c’est un pur gaspillage d’une ressource rare alors que de meilleures alternatives existent comme les pompes à chaleur.

Le passage à une production d’hydrogène renouvelable et ses usages industriels et énergétiques peuvent être une formidable occasion de reconversion industrielle et de reprise par les travailleurs de sites industriels abandonnés comme à Dunkerque. De même le déploiement de l’hydrogène en Europe ne peut pas se faire sur la base de la prédation des ressources naturelles et aux dépens des peuples des États tiers, notamment en Afrique, comme c’est le cas avec le projet Inga III en RDC.

Le développement de l’infrastructure nécessaire au déploiement de l’hydrogène doit être planifié en fonction de besoins industriels avérés et prouvés, et non pas pour offrir une nouvelle vie à l’industrie gazière.

Car c’est là le principal risque concernant le développement de l’hydrogène. Offrir une prolongation de vie à l’industrie gazière en finançant de nouvelles infrastructures sous prétexte qu’elles pourraient être reconverties pour l’hydrogène, chose à la faisabilité incertaine. En effet, les besoins d’infrastructure pour l’hydrogène ne recouvrent pas le réseau gazier. Nous n’avons pas besoin de nouvelles infrastructures gazières en Europe, nous en avons déjà trop et elles sont pour une partie un gaspillage d’argent public !

La prolongation de vie de l’industrie gazière se joue également via le prétendu hydrogène bas carbone produit à base de gaz naturel associé à des technologies de capture et séquestration de CO2. Leur efficacité et leur généralisation est hasardeuse. Si ces technologies de capture et séquestration/utilisation pourraient éventuellement jouer un rôle dans certaines industries, elles n’en ont aucunes à jouer dans la production d’hydrogène à moins de vouloir rester dépendant de l’industrie gazière.

Malheureusement les lobbys du gaz sont déjà à la manœuvre pour se verdir via l’hydrogène, notamment via le partenariat public-privé qu‘est l’Alliance européenne pour un hydrogène, comme révélé par Corporate Europe.

L’hydrogène résume la grande question de notre temps. Soit il servira à peindre un vert un mode de production insoutenable. Soit il accompagnera un changement radical de nos façons de produire. Mainmise du marché et des lobbys ou planification démocratique et écologique.

Le texte final adopté par la commission ITRE reprend de nombreux éléments positifs et allant dans le bon sens. Malheureusement il échoue à rompre complément avec l’emprise des industries fossiles. Je ne peux donc pas soutenir ce texte en l’état.