Leçons de Villeneuve-Saint-Georges

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Leçons de Villeneuve-Saint-Georges

Le résultat des élections municipales à Villeneuve-Saint-Georges a donné lieu à une nouvelle offensive des adversaires de la France insoumise. Comme souvent, l’objectif est d’imposer une lecture biaisée d’un épisode pour tenter de démoraliser. En l’espèce, il s’agit aussi de masquer la dégringolade macroniste dans la législative partielle de Boulogne-Billancourt (pourtant sortant, les macronistes sont arrivés en 4ème position avec à peine plus de 10%). Et de fournir quelques encouragements aux derniers récalcitrants du PS pour les aider à avaler la pilule amère du ralliement au pire budget du pays depuis 25 ans.

Comme d’habitude, c’est donc le moment choisi par les éternels donneurs de leçons pour venir ajouter du fiel en espérant par là même s’offrir pendant quelques heures une place au soleil médiatique. Ces généraux d’opérette sont donc arrivés après la bataille pour nous dispenser leurs précieux conseils, sans n’avoir pris aucune part dans la campagne (ni au premier, ni au second tour) et sans aucune analyse sérieuse des résultats électoraux.

Ainsi, dans Marianne, Alexis Corbière nous explique que cette élection était « imperdable », sans nous démontrer pourquoi. Il faut donc lui rappeler que cette ville était dirigée par la droite (comme pendant 45 ans après la Libération). Celle-ci avait en effet largement gagné la dernière élection municipale avec plus de 70% des voix. La droite était d’ailleurs majoritaire aux élections régionales de 2021 où elle atteignait plus de 58% et au premier tour de l’élection législatives de 2022 (46% pour la gauche et 50% pour la droite). Et si la gauche a dépassé les 50% aux européennes puis aux législatives de 2024, ce fut grâce une poussée très importante de la participation dans les quartiers populaires, permise par les campagnes de la France insoumise dans ces différentes élections.

En vérité, la victoire à Villeneuve-Saint-Georges était évidemment un défi très difficile. Dans cette commune, une grande partie de l’électorat populaire s’est détourné de la gauche au cours des derniers mandats de la majorité PCF/PS/EELV. Celle-ci réalisait 3835 voix et 50,19% des voix au second tour de la municipale de 2014 (victoire de 4 voix à l’époque, pas terrible pour une soi-disante terre d’élection imperdable). Elle ne récoltait plus que 1398 voix et 27,61% au second tour de la municipale de 2020. Il fallait donc remonter la pente du dégoût que l’ancienne gauche avait provoqué dans les secteurs populaires de la commune. Louis Boyard et sa liste y sont parvenus en partie : dans un contexte d’élection partielle, sans couverture médiatique nationale, ils réalisent 1897 voix et 38,75%, faisant progresser la gauche de plus de 11 points. Alors qu’il n’y avait que 4 conseillers municipaux de gauche entre 2020 et 2025, dont l’un figurait sur la liste de la droite aux dernières sénatoriales, il y aura désormais 7 membres de la liste insoumise au sein du conseil municipal. Mais cela n’a pas été suffisant pour gagner.

Pour parvenir à ce résultat, il a d’abord fallu surmonter la division engendrée par les volontés hégémoniques de l’ancienne gauche. Ainsi, au premier tour, la liste de Louis Boyard était confrontée à une autre liste regroupant une dizaine de formations politiques de l’ancienne gauche. Pourquoi une telle configuration ? Parce que le PCF a considéré qu’il était le seul parti légitime pour conduire une liste de rassemblement, malgré son désaveu de 2020 et ses très faibles scores réalisés sur les autres scrutins depuis lors. Et parce que les autres ont préféré accompagner cet ultimatum plutôt que de permettre un regroupement de premier tour autour de la liste conduite par Louis Boyard.

Il a donc fallu prouver par les faits aux appareils de l’ancienne gauche que la France insoumise était légitime pour conduire l’union populaire dans cette commune. Il a fallu montrer que cette configuration était nécessaire pour permettre la mobilisation d’électrices et d’électeurs qui s’étaient détournés des urnes en 2020. Cette démonstration a été faite au premier tour où, sans aucun ancrage de longue date dans la ville et sans aucune représentation au conseil municipal, la liste de Louis Boyard sort en tête et devance nettement cette seconde liste de gauche.

A l’issue du premier tour, il y avait un chemin vers la victoire. Cela nécessitait un rassemblement de la gauche autour de la liste insoumise et une plus forte mobilisation des secteurs populaires sans qui la gauche ne peut pas gagner à Villeneuve-Saint-Georges comme ailleurs. C’est la raison pour laquelle Louis Boyard et ses colistiers ont proposé immédiatement à la liste de l’ancienne gauche de discuter d’une fusion de leurs deux listes. Mais immédiatement le PRG, Génération Écologie ou le représentant local d’EELV ont indiqué refuser toute fusion. Et le Parti socialiste a utilisé une odieuse campagne de dénigrement impulsée par le média d’extrême droite « Frontières » sur un colistier de Louis Boyard (pourtant membre de la liste PCF/PS en 2020) pour empêcher le rassemblement. Finalement, après intervention des directions nationales de ces partis, le PCF et EELV ont refusé la fusion proposée aux composantes qui le souhaitaient sur la base des résultats du 1er tour sans même daigner rentrer dans une discussion précise sur le programme ou la composition de la liste. Ils ont préféré retirer leur liste et ont accompagné ce retrait d’un vague appel à battre la droite, sans conviction et sans effet.

Plutôt qu’une mobilisation claire et franche pour permettre la victoire de la gauche, la plupart de ses composantes ont donc choisi de fragiliser la dynamique impulsée par la liste de Louis Boyard. L’essentiel du traitement médiatique de la campagne de second tour aura donc été capté par les boules puantes de l’extrême droite. Alimenté par le Parti socialiste, ce harcèlement médiatique aura été accompagné de la mobilisation de toute la droite et l’extrême droite, de Retailleau à Bardella en passant par Zemmour et des dirigeants macronistes. Il aura handicapé les reports de voix de la seconde liste de gauche sur la liste de Louis Boyard : une analyse précise bureau par bureau démontre que la droite progresse dans plusieurs bureaux (bureaux 4, 5, 12 et 13 par exemple) bien davantage que le nombre de nouveaux électeurs. En l’absence d’appel au vote clair et sous l’effet de ce type de campagnes mensongères, des électeurs de la liste de l’ancienne gauche ont donc voté à droite au second tour. Dans d’autres, heureusement, l’arrivée de nouveaux électeurs au second tour grâce au formidable engagement des militants de la liste de Louis Boyard a permis de compenser ces mauvais reports. Mais les voix perdues ont manqué cruellement pour la victoire cette fois-ci.

L’élection municipale de Villeneuve-Saint-Georges est donc riche d’enseignements, en particulier pour 2026.

Premier enseignement : la présence de listes insoumises, à l’image de la population dans leur composition et porteuses d’un programme de rupture, est indispensable pour ramener dans le vote des secteurs populaires qui s’en sont éloignés, sous le coup des reniements de l’ancienne gauche. Elles seront décisives pour battre la droite et l’extrême droite et faire progresser la gauche.

Second enseignement : obnubilés par des intérêts partisans et nostalgiques d’un passé révolu, les forces de la gauche d’avant feront tout ce qu’elles peuvent pour empêcher la France insoumise de diriger des villes et de rentrer dans les conseils municipaux. Rien ne sert donc de quémander ou de les supplier. Seul le rapport de force et les réalités électorales feront leurs effets. Il faut préparer partout où c’est possible la constitution de listes représentatives des communes et porteuses des aspirations des habitants. Et nous espérons pouvoir compter parfois sur des responsables locaux moins enfermés dans les calculs politiciens de court terme que leurs directions nationales, voire réellement soucieux de l’intérêt des habitants

Troisième enseignement : la mobilisation de la droite et de l’extrême droite et de ses relais médiatiques sera totale pour empêcher les insoumis de gagner des communes et d’y changer concrètement la vie des gens. Car ceux-là savent à quel point cette démonstration serait un point d’appui pour la bataille nationale que nous menons pour la révolution citoyenne. Ils ne nous donneront jamais aucun point d’appui. A nous de les arracher par notre détermination et notre travail militant.

Quatrième enseignement : si la gauche veut gagner au niveau local comme national, ses dirigeants doivent cesser de céder à l’extrême droitisation de la société. Elle doit rester fidèle à ses principes plutôt qu’accepter le terrain de jeu de ses opposants. Elle doit être solidaire plutôt que de se distinguer pour s’attirer les bonnes grâces de l’appareil médiatique. Ses dirigeants doivent refuser d’alimenter les polémiques impulsées par les adversaires en espérant nuire à ceux qui sont censés être des partenaires. Pour battre l’extrême-droite, la gauche doit contre-attaquer plutôt que passer son temps à se défendre. Elle doit se battre plutôt que de se lamenter et de se flageller. 

Bref, pour gagner, puisque certains aiment les rimes, la gauche doit faire moins de blabla et plus de combats. Moins de leçons et plus d’action. Moins de lâcheté et plus de combativité. A Villeneuve-Saint-Georges, Louis Boyard, ses colistiers et tous ceux qui se sont engagés dans cette campagne nous l’ont démontré. Merci à elles, merci à eux.

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