On reconnaît une Macronie aux abois à l’intensité des mensonges et du chantage déployés pour imposer sa politique minoritaire. Les semaines précédant la censure du gouvernement Barnier ont donné lieu à une avalanche de fausses informations et de grandes déclarations visant à apeurer le peuple et, ce faisant, forcer les députés à accepter un budget destructeur.
On se souvient d’Elisabeth Borne, ancienne première ministre, qui annonçait qu’en cas de censure, la carte vitale ne fonctionnerait plus et que les fonctionnaires ne seraient plus payés. C’était un mensonge grossier. En Macronie, cela paie puisqu’elle est devenue numéro 2 du gouvernement Bayrou.
D’autres agitaient le spectre d’une grande crise financière qui s’abattrait sur le pays. À l’heure où j’écris cette note, l’écart de taux entre la dette française et la dette allemande est de 0,74 %, soit moins que lorsque Michel Barnier avait présenté son budget. Ironie du sort, c’est proche du niveau qui était prévu par la banque d’affaires JP Morgan si le NFP avait obtenu une majorité absolue.
Après le choc que ces mensonges provoquent, rendus possibles par les médias qui les relaient sans recul, vient l’indifférence et la défiance. Il faut alors, pour maintenir l’impact sur l’opinion, sans cesse renouveler la gamme de fausses informations. C’est à cette tâche que s’attelle Catherine Vautrin lorsqu’elle présente une prétendue facture de la censure de 12 milliards qu’il faudrait faire régler aux Français.
On peut d’abord s’étonner que cette estimation vienne de la ministre du Travail et de la Santé plutôt que du ministère de l’Économie. Cela semble devenir une habitude pour ce gouvernement puisque le ministre de l’intérieur Retailleau s’arroge les prérogatives du ministre des Affaires étrangères en déclenchant des conflits diplomatiques quand bon lui semble.
On peut ensuite légitimement demander des détails sur la manière avec laquelle ce chiffre a été compilé. C’est ce que nous avons fait dans un premier temps et qui a conduit Catherine Vautrin à fournir ces informations. Selon ses calculs, la censure aurait donc freiné la croissance et donc les recettes, pour un coût de 0,2 point de PIB, et le retard pris par les mesures d’économies coûterait également 0,2 point de PIB. Le total représenterait 0,4 points de PIB donc 12 milliards d’euros. Le manque de sérieux et d’honnêteté de ce calcul est affligeant.
D’abord, soyons précis : 0,1 point de PIB, cela représente 2,8 milliards d’euros. Si l’on admettait l’impact sur le PIB de la censure, alors la facture s’élèverait en réalité à 11,2 milliards d’euros. On comprend qu’avec de tels calculs, le gouvernement découvre des déficits imprévus.
En ce qui concerne un coût imputable au retard pris par les mesures d’économies, c’est ici aussi une affirmation en contradiction totale avec la réalité. Après la censure, une loi spéciale a été votée qui reconduit les orientations budgétaires de 2024. Mais Michel Barnier a produit une circulaire avant son départ pour bloquer un maximum de dépenses dans l’attente du vote d’un budget par la représentation nationale. Le gouvernement a estimé le montant de ces économies réalisées à environ 2 milliards d’euros. Et c’est sans compter les 12,5 milliards d’euros de crédits qui, bien que dans le budget, n’ont pas été utilisés en 2024 et qui n’ont pas été reportés pour 2025 sous prétexte de la loi spéciale comme le fait remarquer le président de la commission des finances Éric Coquerel. On est donc bien loin d’un coût pour le pays dû à un retard pris sur des mesures de restriction budgétaire.
Enfin, la manipulation est aussi grossière sur l’impact de la censure sur la croissance. Pour s’en rendre compte, il suffit de rappeler que l’OFCE (organisme indépendant de recherche économique) tablait sur une baisse de la croissance de 0,8 point si le budget de Michel Barnier avait été adopté : elle aurait ainsi été divisée par deux et se serait élevée à 0,8 point l’année prochaine. Au contraire, sans le budget de Michel Barnier mais en passant un an sous le régime de la loi spéciale, une croissance de 1,4 point, bien supérieure, était envisagée. Il est donc faux de dire que la censure aurait coûté plus cher à l’économie du pays que le budget de Michel Barnier.
A l’approche de la prochaine motion de censure sur le budget prévu la semaine prochaine, il faut se préparer à résister à l’avalanche de fausses informations.
On vous dira sans doute que la dette n’a jamais été aussi importante et qu’on a pas d’autres choix que des coupes massives dans nos budgets et nos services publics. Sans jamais rappeler que la dette française est aujourd’hui inférieure à la dette américaine en proportion du PIB. Et que la charge de la dette française est près de deux fois plus faible aujourd’hui qu’en 1995.
On vous dira que ces mesures d’économies sont indispensables pour faire face au déficit record de l’année dernière. Sans jamais rappeler que tous les économistes convergent sur le fait que ce déficit est dû à la baisse des recettes de 60 milliards d’euros par an depuis qu’Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir, en raison de sa politique de cadeaux aux plus riches et aux grandes multinationales, ni que les dépenses publiques ont diminué depuis 2017 en proportion du PIB.
On vous dira que le pays ne peut pas vivre sans budget pour tenter de vous faire accepter un budget contraire à l’intérêt du pays.
Il est donc décisif de démonter ces mensonges un à un. Et de ne pas se laisser berner par le catastrophisme ambiant. Censurer le gouvernement, c’est protéger le pays d’un nouveau désastre social, écologique et démocratique. Censurer le gouvernement, c’est ouvrir un chemin pour permettre l’avènement d’une autre politique répondant aux urgences du moment. C’est ce que nous ferons la semaine prochaine. En fidélité à nos engagements.