Hollande et la gauche du rien

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Hollande et la gauche du rien

Depuis qu’une partie des députés socialistes a choisi de ne pas voter la censure du gouvernement Bayrou, la cavalerie médiatique s’est mise en ordre de bataille pour défendre cette rupture avec les engagements pris devant les électeurs. Au cœur de cette campagne s’impose l’idée qu’il y aurait une gauche irréaliste, qui par son maximalisme ne ferait jamais avancer les choses, et une gauche qui accepterait d’aller chercher des victoires dès qu’elle le peut même si cela passe par des compromis. 

C’est de cette dernière dont se prévaut Olivier Faure lorsqu’il explique en décembre dans le Nouvel Obs : « Nous, on veut des conquêtes maintenant, pas dans deux ou trois ans. Si on obtient 30 % du programme, c’est déjà bien. Il y a des gens pour qui ça compte ». 30 % du programme, cela n’est pas rien en effet. Si Faure les avait effectivement obtenus, cela se traduirait par exemple par le SMIC à 1600 euros et le blocage du prix des produits de première nécessité malgré l’abandon de l’abrogation de la réforme des retraites, de la hausse du point d’indice et des APL ou encore des prix planchers pour les agriculteurs.

Aux personnes sincèrement tentées de croire que le PS a permis d’améliorer la vie des Français par la négociation, je dois donner le véritable bilan de cette pseudo-négociation : un enfumage sur les retraites et des pseudo-concessions qui n’en sont pas sur le budget. Rien, en tout cas, qui justifie de laisser ce gouvernement en place et donc de lui permettre de dérouler sa politique.

Sur les retraites, tout le monde a compris que malgré son intitulé, le conclave ne débouchera pas sur un miracle. La ministre du Travail l’a confirmé encore ce mardi à l’Assemblée nationale en réponse à la question de la députée Sophie Taillé-Polian : dans l’hypothèse où il n’y aurait pas un accord unanime des syndicats de salariés et du patronat pour abroger la retraite à 64 ans, alors il n’y aura pas de discussions à ce sujet à l’Assemblée nationale et la réforme Borne continuera à s’appliquer. Le Medef dispose bien d’un droit de véto. Or, ses représentants se sont déjà exprimés à de multiples reprises pour refuser tout retour en arrière sur l’âge de départ à la retraite. 

Et sur le reste ? François Bayrou a publié un courrier récapitulant les mesures prétendument en direction des socialistes. Il comptait 23 mesures, ce qui peut paraître significatif sur le papier. Mais le diable se cache souvent dans les détails. Dans les faits, 8 mesures sur ces 23 figuraient dans le projet présenté par Barnier en octobre. Elles sont donc dans le budget depuis le début et ne sont en aucun cas le résultat d’une négociation. C’est par exemple le cas de la petite taxe sur les rachats d’actions, de la création de 2 000 postes d’AESH ou bien du report de la baisse de la CVAE. Cela n’avait pas empêché en décembre le Parti socialiste de censurer le gouvernement de Michel Barnier.

Il reste donc 15 mesures. Parmi ces 15 mesures, 11 avaient été obtenues par la censure ou bien déjà été annoncées par les gouvernements Barnier ou Bayrou. La revalorisation des pensions de retraite sur la base de l’inflation a été effectuée au 1er janvier grâce à la censure du gouvernement Barnier. L’abandon du déremboursement partiel des médicaments avait lui été annoncé par Barnier début décembre. La hausse de la taxe sur les transactions financières de 0,1 point avait déjà été validée au Sénat et les socialistes demandaient dans leur réponse au discours de politique générale une augmentation plus importante qu’ils n’ont donc pas obtenue.

Le butin du PS s’élève donc à quatre mesures. La première est une moindre baisse des économies que le gouvernement s’apprête à réaliser sur les dépenses de santé. Celles-ci devaient s’élever à 5 milliards d’euros mais seraient finalement ramenées à 3,7 milliards d’euros. Difficile de s’en satisfaire. La seconde mesure est l’abandon du déremboursement partiel des consultations médicales. Les mutuelles ayant déjà augmenté leurs tarifs en début d’année en prévision d’éventuelles baisses de remboursement, les Français paient déjà comme si la mesure avait été mise en place. Enfin, les troisième et quatrième mesures sont le déblocage de 100 millions d’euros d’aide aux maires bâtisseurs et de 100 millions supplémentaires par rapport à l’engagement précédent du gouvernement pour financer les bailleurs sociaux, bien que l’exigence du PS était d’un milliard de plus via la suppression totale de la réduction du loyer de solidarité. On peine à voir ici les « avancées remarquables » que demandait Olivier Faure pendant les négociations.

En échange d’un « accord », le PS a renoncé à de nombreux points qu’il demandait dans la discussion : augmentation du SMIC, hausse du point d’indice, renforcement des aides pour l’acquisition de voitures électriques, rétablissement de l’ISF, hausse de la taxation du capital, rétablissement de l’exit tax, rétablissement de la CVAE pour les grandes entreprises. Mais il a surtout accepté un budget à 32 milliards d’économies, dont 5 sur la Sécurité sociale à ce stade, et des coupes majeures dans l’écologie. Ainsi, depuis la non-censure, le gouvernement a multiplié les annonces scandaleuses de coupes supplémentaires dans des budgets pourtant essentiels : 

  • 3 millions d’euros par la suppression de l’agence pour le développement et la promotion de l’agriculture bio
  • 30 millions en moins pour l’audiovisuel public
  • 35 millions en moins pour le sport
  • 100 millions en moins pour la culture
  • des économies sur l’Aide médicale d’État, qui pourraient s’élever à 200 millions d’euros si ce qui avait été voté par le Sénat est repris
  • 575 millions en moins pour l’écologie, dont 42 millions sur la prévention des risques quelques semaines après le cyclone Chido
  • 630 millions en moins pour la recherche
  • 700 millions en moins pour Ma Prime Renov’
  • 900 millions d’euros d’économies par la baisse de l’indemnisation des arrêts maladies des fonctionnaires (cela représente, soit dit en passant, trois fois plus d’économies que les 2 jours de carence supplémentaires initialement évoqués)
  • 2 milliards extorqués aux travailleurs avec sept heures de travail forcé gratuit

Le récit opposant une gauche du « tout ou rien » à une gauche des petits pas est par conséquent une vaste opération de mystification. Ce n’est pas une partie ou quelques pourcents du programme du NFP qui ont été négociés : c’est une application de 99 % du programme Bayrou/Macron/Retailleau qui a été accepté, sous l’impulsion de François Hollande qui a manoeuvré en coulisses. Il faut donc être soit très naïf, soit très malhonnête, pour justifier ici le refus de voter la censure au nom des “victoires à ramener à la maison pour les Français”.

Mais ce n’est que partie remise. Le 30 janvier prochain aura lieu la Commission Mixte Paritaire sur le budget. Par conséquent, au début du mois de février, le gouvernement devrait utiliser le 49.3 pour passer en force son budget. Nous déposerons évidemment une motion de censure. Et alors chacun sera devant ses responsabilités : ne pas voter la censure, ce sera accepter définitivement un budget à rebours du programme du Nouveau Front populaire. La voter, ce sera protéger le pays de la poursuite de la politique macroniste, faire tomber le gouvernement Bayrou et contraindre le président de la République à renoncer à s’accrocher au pouvoir. Toutes nos forces doivent être dirigées vers cet objectif. Alors le peuple français pourra ouvrir une autre page de son histoire.

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