ZFE : zones à faible émissions ou à forte exclusion ?

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Le blog Opinions

ZFE : zones à faible émissions ou à forte exclusion ?

Le saviez-vous ? Depuis le 1er janvier 2023, si vous circulez à Marseille avec un véhicule Diesel antérieur à 2001, vous vous exposez à une amende de 68 à 135 €. Votre véhicule est trop vieux et vous n’avez pas les moyens d’en changer ? Tant pis, vous devrez vous débrouiller. Même chose à partir du 1er septembre 2023 pour les véhicules Diesel antérieurs à 2006, et à partir du 1er septembre 2024 pour les Diesels antérieurs à 2011 et les Essence antérieurs à 2006. Vous ne le saviez pas ? Rassurez-vous, c’est le cas de 60 % des Français.es[1].

En cause : la zone à faibles émissions mobilité, ou ZFE-m, instaurée par la métropole Aix-Marseille depuis le 1er septembre 2022. Elle concerne toutes les catégories de véhicules motorisés (poids lourds, utilitaires, voitures, deux roues, tricycles et quadricycles) et de façon permanente (7 jours sur 7 et 24 heures sur 24), circulant dans un périmètre de plus de 3 km autour du Vieux Port (soit plus de 300 000 Marseillais.es).

L’instauration de cette ZFE est guidée par la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 et par la loi Climat et résilience de 2021, rendant obligatoires les ZFE pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants où les valeurs limites de qualité de l’air sont dépassées. Il existe aujourd’hui 11 ZFE en France, et 45 agglomérations pourraient être concernés d’ici 2025. A cette date, les véhicules de type 3, 4 et 5 selon le classement Crit’Air, ainsi que les véhicules non classés (sans vignette apposée au pare-brise), ne pourront plus circuler dans ces zones.

Ce classement prend en compte les émissions de particules fines et d’oxydes d’azote (et non pas les émissions de gaz à effet de serre). L’objectif est de limiter les véhicules les plus polluants pour préserver la santé humaine – la pollution de l’air est en effet responsable de 40 000 décès par an en France[2], dont 2 500 à Marseille[3], dont à peu près la moitié serait due au transport routier.

L’intention est louable : protéger la santé des Marseillais.es. C’est la méthode qui pose problème. En effet, on a beau avoir l’interdiction de circuler avec un véhicule polluant, si on n’a pas les moyens d’en changer, on n’en changera pas, quelle que soit la loi. C’est d’ailleurs bien souvent parce qu’on a peu de moyens que l’on a un véhicule ancien : en 2019, 38 % des ménages les plus pauvres avaient un véhicule classé Crit’Air 4 ou 5, contre 10 % des ménages les plus riches[4]. Et en regardant de près, on s’aperçoit que la métropole Aix-Marseille est la seule parmi les 10 autres appliquant une ZFE à ne proposer quasiment aucune aide aux particuliers voulant changer leur véhicule pour un plus récent (6 mois d’abonnement gratuit aux transports en commun, soit environ 200 € pour un adulte, voilà qui est largement suffisant pour acheter un véhicule électrique !). Les personnes concernées ne peuvent compter que sur les maigres aides proposées par l’Etat (soit un reste à charge encore supérieur à 20 000 € : une broutille !).

Il est aussi très difficile de se passer de son véhicule individuel dans une ville aussi sous-dotée en transports en commun que Marseille. Je pense particulièrement aux habitants de la Belle de Mai, dans le 3e arrondissement, qui n’ont ni métro ni tramway à proximité, et n’ont d’autre choix pour se déplacer que d’emprunter les bus bondés et aux horaires limités, ou de prendre leur voiture. Je ne parle pas des pistes cyclables inexistantes.

Je suis bien sûr favorable à la diminution de la pollution dans le centre-ville de Marseille (et ailleurs) mais le problème est pris à l’envers : il faut d’abord réduire au minimum le besoin aux véhicules particuliers en développant fortement les transports en commun (tramway à la Belle de Mai et dans les quartiers nord notamment) et les aménagements cyclables ; encourager leur utilisation en les rendant gratuits pour toute la population, comme c’est déjà le cas à Aubagne dans les Bouches-du-Rhône ; et, pour les personnes n’ayant pas d’autre choix, notamment les professionnels, proposer des aides sérieuses au changement de véhicule. C’est pourquoi les groupes insoumis de Marseille demandent la suspension de la ZFE jusqu’à ce que ces alternatives soient réunies.

N’oublions pas non plus les autres sources de pollution de l’air : si environ la moitié de celle de Marseille est due au transport routier, 30 à 40 % proviendrait du transport maritime[5].

Il est inadmissible que les Marseillais.es doivent payer pour les bateaux de croisière, l’absence d’infrastructures de transports et l’incompétence de la métropole.


[1] https://www.atmo-france.org/actualite/zfe-les-conclusions-dune-mission-flash-parlementaire

[2] https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2021/pollution-de-l-air-ambiant-nouvelles-estimations-de-son-impact-sur-la-sante-des-francais

[3] https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/pollution-air-serait-responsable-2500-deces-an-marseille-1724373.html

[4]https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/resultats-detailles-de-lenquete-mobilite-des-personnes-de-2019

[5] https://marsactu.fr/avec-sa-petition-contre-la-pollution-marseille-veut-peser-sur-la-regulation-des-croisieres/