Trois enseignements d’une première semaine

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Opinions

Trois enseignements d’une première semaine

La semaine de rentrée de l’Assemblée Nationale n’a pas été de tout repos. Consacrée à l’élection des responsabilités au sein de l’hémicycle, elle fut tout de même lourde de sens. Elle a mis en valeur la collusion insupportable entre le parti présidentiel et l’extrême-droite, fit apparaitre la seule opposition politique au sein de l’Assemblée Nationale et permit l’approfondissement de la Nouvelle Union Populaire écologique et sociale (NUPES).

Pour le premier point, il n’a suffi que d’un scrutin, celui consacré à l’élection de la présidente de l’Assemblée Nationale pour comprendre : en retirant son candidat dès la fin du premier tour, le Rassemblement National a donc favorisé l’élection au perchoir de la candidate macroniste Yaël Braun-Pivet. Puis, comme un renvoi d’ascenseur, des députés LREM apportèrent leurs suffrages aux deux candidats d’extrême-droite à la vice-présidence. Il n’a donc pas fallu plus de deux jours pour que la collusion éclate au grand jour sans susciter, il faut le dire, une grande indignation médiatique. 

On se rappelle pourtant à quel point l’entre-deux tours de la présidentielle fut propice aux grandes déclarations indignées pour déplorer l’ambiguïté des propos, pourtant très clairs, de Jean-Luc Mélenchon. Mais ces grands esprits furent moins bruyants devant l’absence de prise de position de 55 candidats macronistes dans les seconds tours des élections législatives opposant un candidat de la NUPES et un candidat du Rassemblement National. Ils furent enfin totalement silencieux quand des députés macronistes écrivirent sur leur bulletin de vote le nom de deux personnalités d’extrême-droite pour présider les séances de l’Assemblée Nationale.

Le second enseignement de la semaine est fondamental. Il clôt la séquence engagée par les macronistes pour déformer les résultats de l’élection législative et faire apparaitre le Rassemblement National comme la principale force d’opposition à l’Assemblée Nationale. Les choses commencèrent par une manœuvre opaque visant à écarter le député LFI/NUPES Bastien Lachaud de la questure. Les postes de questeurs de l’Assemblée Nationale sont au nombre de trois. L’un d’entre eux revient traditionnellement à l’opposition. Sa répartition, comme celle du bureau de l’Assemblée Nationale, obéit généralement à un système de répartition par points. En vertu de ce système, la France insoumise, soutenue par les autres composantes de la NUPES, devait se voir attribuer cette responsabilité. Mais les députés macronistes, sous l’impulsion de la nouvelle présidente de l’Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet préférèrent nouer un accord anti-NUPES avec les députés des Républicains et du Rassemblement National pour confier cette responsabilité au député LR Eric Ciotti. C’est sans doute notre dénonciation de cet arrangement qui aura évité que la manœuvre se reproduise lors de l’élection du président de la Commission des Finances. Après trois tours de scrutin, malgré trois interruptions de séance pour tenter la constitution d’un barrage anti-NUPES, notre camarade Eric Coquerel fut élu à cette responsabilité déterminante. Voilà qui permis de remettre les choses dans l’ordre et de redonner son sens au résultat des élections législatives : c’est bien la NUPES qui constitue la principale force d’opposition à Emmanuel Macron au sein de l’Assemblée Nationale. 

Enfin, cette semaine fut aussi celle de l’approfondissement des liens qui unissent les partenaires de la NUPES vers la fédération que nous souhaitons voir se constituer. Elle eut pour premier effet de faire mentir les pronostics de tous nos adversaires qui rêvaient de voir la parenthèse de la NUPES se refermer au lendemain des élections législatives. Ainsi, nous avons mis en place formellement l’intergroupe sur lequel nous nous étions engagés pendant la campagne. Sa première réunion officielle s’est tenue ce mardi matin. Elle a permis de nous accorder sur des candidatures communes pour l’ensemble des élections ayant eu lieu cette semaine, permettant notamment l’élection de deux vice-présidents NUPES de l’Assemblée Nationale et de notre candidat commun à la présidence de la commission des Finances. Nous nous sommes également mis d’accord sur le dépot de deux propositions de loi communes : l’une pour inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution et la seconde sur le pouvoir d’achat.

Le groupe de la France insoumise a œuvré en permanence, avec sang-froid et détermination, pour que ce résultat soit possible. Il est vrai que nous n’avons pas pu constituer un groupe unique à l’Assemblée Nationale : la proposition que nous avons formulée en ce sens n’a pas été retenu par nos partenaires. Mais nous avons réussi à nous accorder sur le fait que la NUPES figure dans le nom de chaque groupe déposé cette semaine à l’Assemblée Nationale, afin de faire apparaitre un attachement commun à la poursuite de notre démarche commune. Ainsi, le groupe de la France insoumise sera le « groupe LFI/NUPES » et il en sera de même pour les autres composantes. Ce fut parfois au prix de discussions un peu vives au sein de ces groupes mais il est extrêmement positif que cette volonté commune apparaisse désormais dans le nom officiel de chacun d’entre eux. C’est la démonstration que les mouvances « unitaires » l’ont emporté dans chaque groupe et que ceux qui misent sur l’éclatement ont été mis en minorité. C’est une très bonne nouvelle pour la suite.

Bien sûr, le rassemblement n’est pas un long fleuve tranquille et cela nécessite parfois de prendre sur soi. Ainsi, nous ne nous serons pas départis de notre ambition unitaire quand certaines composantes de la NUPES firent quelques écarts avec les décisions prises en commun. Ce fut le cas par exemple lorsque le groupe écologiste décida de déposer en dernière minute deux candidats supplémentaires lors de l’élection aux vice-présidences. Nous fîmes l’effort de comprendre les raisons de cette décision et de ne surtout pas donner de grain à moudre à tous ceux qui souhaitent notre éclatement. 

Nous suivîmes la même ligne de conduite lorsque la candidate communiste pour le poste de secrétaire du bureau de l’Assemblée Nationale apparue de manière surprise sur la même liste que les Républicains ou LREM. Pas de réaction non plus quand le secrétaire national du PCF s’attaqua publiquement au député Aymeric Caron ou caricatura en « lutte des places » la bataille collective que nous menions et dans laquelle les députés de son groupe prenaient leur part de combat. Sang-froid total quand deux membres du groupe socialiste se firent élire avec les voix macronistes à la vice-présidence d’une commission contre les candidats soutenus officiellement par la NUPES. Car notre rassemblement et notre capacité à incarner une alternative valent bien la perte de deux vice-présidences de commission. Et, parce que notre conviction est que la démarche de la NUPES, car elle est juste, emportera peu à peu même les plus récalcitrants.

Cette première semaine fut donc pleine d’enseignements. Elle aurait pu se terminer sur ce bilan politique si le week-end ne fut pas occupé par le déchainement médiatique autour des accusations à l’encontre du député Eric Coquerel. 

Par le hasard des invitations médiatiques (et non pas parce que l’on aurait « envoyé un homme pour défendre Coquerel », comme j’ai pu le lire ici ou là), je fus l’un des premiers à devoir réagir à ces accusations. Je me fis alors l’écho du communiqué publié par le comité contre les violences sexistes et sexuelles de la France insoumise qui indiquait qu’elle n’avait jamais reçu aucun signalement ou témoignage à ce sujet.

Sur cette base, nous avons eu le droit à quelques procès honteux que je veux dénoncer ici :

  • Non, Monsieur Jean-Michel Apathie, Monsieur Benjamin Duhamel, Madame Amandine Atalaya, il n’y a pas d’indignation à géométrie variable à la France insoumise. Mais il n’y a strictement aucun rapport entre les faits reprochés à Damien Abad (des femmes ont produits des témoignages écrits et circonstanciés l’accusant de viols) et les accusations contre Eric Coquerel. Et notre réaction face à la mise en cause d’Eric Coquerel est tout à fait compatible avec notre incompréhension de voir le ministre Damien Abad maintenu à son poste. 
  • Non, le comité de luttes contre les violences sexistes et sexuelles de la France insoumise n’a JAMAIS eu vocation à se substituer à la justice. Il a pour objectif de recevoir des témoignages, comme c’est le cas par exemple dans des entreprises, à propos de faits pouvant relever du sexisme jusqu’à l’agression sexuelle afin d’écouter la parole des femmes, de les accompagner dans d’éventuels démarches judiciaires si les faits sont légalement répréhensibles et de dispenser d’éventuelles sanctions internes ou formations quand cela est nécessaire.
  • Non, personne n’a camouflé des informations ou protégé des membres de la France insoumise. Notre mouvement s’est doté d’une instance visant à recevoir des témoignages précis. Celle-ci a mis au point une procédure pour traiter sérieusement ce type de sujet. Elle travaille à partir de faits, de témoignages précis par des personnes identifiées, et non pas sur la base de « on dit » circulant sur les réseaux sociaux. Sans aucun doute, ses méthodes de travail sont perfectibles : des réflexions sur la meilleure manière de traiter ce type de cas ont lieu dans toutes les formations politiques qui ont eu le mérite de mettre au point des d’instances de cette nature. Mais c’est une chose de dire que l’on peut mieux faire. C’en est une autre de disqualifier tout le travail mené par la France insoumise sur ce sujet et que peu d’autres mouvements politiques ont fait dans ce pays. 

Pour le reste, Eric Coquerel a donné sa lecture des faits dans une tribune publiée par le JDD ce dimanche. Je n’ai pas l’intention d’en dire davantage sur le sujet. Car la semaine qui s’ouvre sera d’une grande importance : ce mercredi, la première ministre Elisabeth Borne doit venir devant l’Assemblée Nationale. Demandera-t-elle un vote de confiance comme elle devrait le faire pour tenir compte du résultat des élections législatives ? Ou compte-t-elle gouverner demain comme hier par le fait du prince ? Nous le verrons. Mais nous ne resterons pas spectateurs de cette question.