Ce jeudi 28 septembre, le premier ministre était l’invité de l’émission politique sur France 2. Peinant à justifier une politique injuste et impopulaire, il a oscillé entre mensonges, slaloms et grosses ficelles pour éviter de répondre aux questions trop gênantes de ses contradicteurs.
Avant même son entretien avec Jean-Luc Mélenchon, le premier ministre a multiplié les inexactitudes et les digressions pour éviter de répondre aux questions précises. Ce fut le cas lorsqu’il a soutenu le bobard de son ministre des comptes publics à propos d’un 13ème mois dont profiteraient les français. Ce fut encore le cas lorsqu’il a repris à son compte l’invention de la présence dans le budget de l’année 2016 de la baisse des APL (la loi de finances pour 2017 ne comporte en effet aucune mesure à ce sujet). Ou enfin lorsqu’il botta en touche sur la question épineuse de Notre-Dame-des-Landes.
Lors du débat qui a suivi, malheureusement trop court pour évoquer l’ensemble des sujets sur la table, le premier ministre n’a cessé de jouer de l’esquive, se cachant derrière des reformulations techniques pour masquer la réalité aux français. On retrouva alors à cet instant ce qui fut la stratégie du régime entre l’élection présidentielle et l’élection législative. Ne rien dire, masquer souvent, mentir parfois, embrouiller toujours.
Inversion de la hiérarchie des normes : grosses ficelles !
Face à Jean-Luc Mélenchon, il a donc affirmé que les ordonnances Pénicaud sur le code du travail ne constituaient pas une inversion de la hiérarchie des normes. Pour cela, il prit comme argument principal le fait que les lois Auroux de 1982 auraient déjà procédé à cette inversion et donc qu’il n’y aurait finalement rien de nouveau sous le soleil. Grosse ficelle.
En 1982, les lois Auroux ont bien introduit un dispositif qui permettait à un accord d’entreprise de moduler le temps de travail dans l’année pour s’exonérer en partie de la durée légale hebdomadaire du travail de 39 heures (à l’époque). Mais pour qu’une telle dérogation soit possible, il fallait un accord de la branche et des justifications importantes auprès de l’administration. Avec les ordonnances Pénicaud, ces conditions seraient levées et les accords de branches ou d’entreprises pourraient déroger à la loi dans des domaines beaucoup plus larges.
Ainsi, les accords d’entreprises deviendraient la norme sur les questions relatives aux primes, aux avantages liés à l’ancienneté, à la rémunération d’un 13ème mois ou encore aux préavis de licenciement. Ce n’est qu’à défaut d’accord d’entreprise sur tel ou tel sujet que l’accord de branche reprendra l’avantage.
De plus, de nouveaux domaines seront désormais de la compétence de la branche au détriment de la loi. C’est par exemple le cas des conditions de recours aux contrats courts (CDD, temps partiel) et aux contrats de chantier. Cela signifie que chaque branche professionnelle pourra être moins favorable que la loi sur ces sujets et instaurer par exemple des durées de CDD pouvant aller jusqu’à cinq ans, ce qui constitue la limite maximum européenne.
Traité de libre-échange avec le Canada : mensonges !
Interrogé à propos du traité de libre-échange avec le Canada (CETA), Edouard Philippe a, là aussi, démontré sa grande faculté à maquiller la réalité des faits. Il a donc commencé par affirmer que le CETA avait été ratifié, sans préciser qu’il s’agissait d’une ratification au Parlement européen, et que seulement 16 eurodéputés français sur 74 avaient voté en faveur du texte. Volonté une nouvelle fois de jouer sur les mots pour masquer la réalité. Poussé dans ses retranchements, il a donc précisé qu’une ratification par l’assemblée nationale était à l’ordre du jour, sans préciser quelle serait la position du gouvernement sur le sujet…
Il a ensuite cherché à embrouiller les téléspectateurs autour de la présence d’une procédure d’arbitrage au sein de ce traité. Commençant par préciser qu’elle n’était pas concernée par la ratification provisoire par le Parlement européen, il a finalement affirmé que cette procédure n’existait plus. Mensonges. Si le mécanisme d’arbitrage prévu dans la version initiale du traité a effectivement été révisé, il n’en demeure pas moins vrai que subsiste dans le CETA une juridiction spéciale, dénommé « Système de Cour sur l’Investissement » (ICS). Ce tribunal n’autorise que les attaques des investisseurs contre les états, et non l’inverse. Il n’aura comme seule référence que le texte du traité lui-même, qui privilégie le commerce et l’investissement avant les droits humains. Il sera composé d’arbitres, et non de magistrats, contre lesquels aucune sanction n’est prévue en cas de conflits d’intérêts, comme c’est trop souvent la norme dans ce type de procédure.
Nucléaire : slaloms !
Enfin, questionné par Jean-Luc Mélenchon sur les propos de Nicolas Hulot s’engageant à la fermeture de 17 réacteurs nucléaires, le premier ministre a montré des bonnes qualités de slalomeurs. Il a commencé par répondre à côté de la question en soulignant un objectif de réduction de la part du nucléaire à 50% à l’horizon 2025. Cet objectif est en réalité celui déjà présent dans la loi de transition énergétique de 2015…
En refusant de confirmer les engagements de son ministre de l’écologie pourtant indispensables pour atteindre cet objectif, le premier ministre a démontré une absence de prise en compte inquiétante du risque nucléaire et une impréparation totale. En effet, si la fermeture des réacteurs en fin de vie est aujourd’hui indispensable, elle doit nécessairement se préparer et tout de suite. Mais sur ce sujet, Edouard Philippe a indiqué qu’il avançait à son rythme. Malheureusement, la catastrophe écologique risque de ne pas attendre son pas de sénateur.